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CONSTANTINOPLE.

d’un olivier pour protéger ses couches, seulement elle justifie encore son étymologie lumineuse, et le soleil semble la dorer avec amour.

Toutes ces Cyclades sont si petites, qu’en les rasant en bateau à vapeur on peut suivre dans la réalité les formes et les découpures indiquées sur la carte : la nature elle-même semble une carte repoussée et coloriée d’une grande échelle. Cela produit un effet bizarre de faire de la géographie palpable, de saisir tous les détails des choses comme sur un plan en relief, et de traverser en si peu de temps des lieux qui tiennent tant de place dans l’imagination et dans l’histoire.

Le canal qui sépare Tine de Mycone franchi, nous entrons dans une mer plus libre et nettoyée d’îles. — La journée s’écoule claire et sereine ; la parfaite placidité de la mer permet aux estomacs les plus timorés de faire un dîner complet sans crainte et sans remords. Après avoir flâné sur le pont et remis sa montre à l’heure sur le cadran de l’habitacle, car il y a une différence d’une heure un quart de Constantinople à Paris, chacun descendit se coucher pour être levé de grand matin et voir le soleil monter à l’horizon derrière Smyrne, la ville des Roses.

Dans la nuit, on s’arrêta quelque temps à Chio, — l’île des vins, — comme dit Victor Hugo dans ses Orientales, — pour charger des marchandises. Le bruit des ballots roulant sur le pont et le piétinement des portefaix me réveilla. Je montai jusqu’au haut de l’escalier, mais je n’aperçus rien qu’une masse sombre sur laquelle se mouvaient des lumières pareilles à ces étincelles qui courent sur le papier brûlé.

Au petit jour, nous entrâmes dans la rade de Smyrne, courbe gracieuse au fond de laquelle s’étale la ville. Ce qui frappa d’abord mes yeux à cette distance, ce fut un grand