Page:Gautier - En Chine, Les arts graphiques, 1911.djvu/88

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vous y tenez absolument, j’essaierai malgré mon incapacité de me faire entendre, mais je ne chanterai qu’à voix basse.

Elle s’appuya aux colonnes du lit, battit le rythme du pied, légèrement, et chanta

Ah qu’il m’attriste, le corbeau qui croasse dans l’arbre voisin. Il veut hater mon départ, il m’avertit qùe l’heure passe. Ce n’est pas que je craigne de mouiller dans la rosée du matin la broderie de mes souliers

Mais il faut seule m’en-aller, et seul laisser mon compagnon. Cette voix était fine, ténue comme un fil de soie, à peine perceptible ; pourtant, en écoutant attentivement, de tout près, elle devenait vraiment tournoyante et glissante, agréable aux oreilles et émouvante pour le cœur.

La chanson finie, la jeune fille ouvrit la porte sans bruit et regarda avec inquiétude au dehors. Elle sortit, fit en courant le tour du pavillon, puis rentra.

— Oh ! pourquoi êtes-vous si profondément effrayée ? s’écria Bambou d’Or tout ému. Elle répondit en essayant de sourire.

Les esprits vivent par fraude et craignent les vivants, dit le proverbe, et ne suis-je pas un esprit l

Il essaya de la calmer, mais elle demeura agitée, inquiète.

— Notre bonheur est fini, maintenant, soupira-tellç.

— Pourquoi ? l Pourquoi l

—Sentez comme mon cœur bat fort, trop fort. 

c’est par l’effet du pressentiment.