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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/113

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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

animée et vivante, il faudrait faire paraître l’acteur aux yeux du lecteur, avec ses poses, ses gestes, ses manières de se draper, de marcher, de s’asseoir, son timbre de voix, son sourire, ses tics, ses grimaces et toutes ses habitudes théâtrales ; les feuilletons sur un acteur devraient être en quelque sorte une suite de dessins avec des explications et des notes, où l’on verrait clairement tous les aspects et tous les profils d’un rôle ; il serait bon aussi d’examiner sévèrement le costume, la tenue et la figure des acteurs. La figure d’un acteur doit être critiquée comme une peinture, car c’en est une, et l’on peut, en toute sûreté de conscience, railler une actrice de paraître laide et vieille dans les rôles d’ingénue comme si elle avait commis une faute de mémoire ou de prononciation, et ce n’est point le cas de tomber dans les attendrissements que font naître naturellement le grand âge et les défectuosités physiques.

Un feuilleton ainsi fait serait assurément quelque chose d’utile à l’art, aux acteurs et au public ; mais qui aura le courage, la patience et le talent de le faire ? Après la mort de l’acteur, ceux qui ne l’auraient pas vu iraient consulter ce duplicata fidèle, comme on va voir à la Bibliothèque royale l’œuvre gravée d’un peintre dont on ne connaît pas les tableaux.

(La Charte de 1830, 27 avril 1837.)