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LE CHEMIN DE FER.

l’on serait incontinent coupé en rouelles, dru et menu comme des légumes de julienne, par les roues des wagons.

Les personnes prudentes feraient bien de s’abstenir de se moucher ; on ne sait pas ce qui peut arriver.

On est prié de ne pas fumer ; la fumée du tabac et celle du charbon de terre ne s’accordent pas bien ensemble. On ne doit pas amener de chiens de peur que leurs aboiements n’épouvantent le cheval de vapeur (steam horse) et ne lui fassent prendre le mors aux dents… etc., etc.

L’âme saisie de terreur, on reste immobile sur sa banquette, de crainte de faire éclater quelque chose quelque part. Vous étiez parti dans l’honnête dessein d’aller à Saint-Germain, et vous commencez à croire que vous pourriez bien arriver par morceaux dans quelque planète, sur les ailes d’une explosion. L’heure sonne et la cloche qui appelle les voyageurs vous semble avoir des tintements tout à fait funèbres.

Au pied de l’escalier, vous trouvez le cheval de vapeur tenu en laisse par des pages noirs et tout barbouillés de suie l’étrange animal s’impatiente ; il brûle de se lancer au galop sur les rainures, il a du feu dans les yeux et la fumée lui sort des narines en longs tourbillons. Il ne jette pas comme le cheval son hennissement en fanfares éclatantes mais il a