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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/237

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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

blique chagrine, misérable, inculte et brutale. Nous comprenons l’idéal en plus, mais non l’idéal en moins. Qu’on rêve de rendre les pauvres riches, cela est naturel ; mais rendre les riches pauvres n’est pas dans la logique du désir, émission ascensionnelle de l’âme vers la félicité ; en un mot, pour atteindre le niveau, nous aimerions mieux, au besoin, hausser les petits que décapiter les grands. La médiocrité ne saurait être un but, et nous repoussons de toutes nos forces l’égalité des envieux. On a supprimé les titres de noblesse ; nous aurions préféré qu’on déclarât gentilshommes tous les citoyens français. En effet, n’est-il pas noble dans le plus beau sens du mot celui qui n’obéit qu’à la loi et n’a d’autre servitude que la servitude du devoir ? Le titre de citoyen romain était supérieur jadis à celui de roi ; qu’il en soit ainsi du titre de citoyen français.

L’égalité mal comprise est la source de toutes les dissensions. La société, en bonne mère, ne doit avoir de préférence pour aucun de ses enfants, mais elle ne peut pas faire qu’ils soient pareils. Dans une course, pour nous servir d’une comparaison grossièrement intelligible, on place pour le départ les chevaux sur la même ligne mais au bout de quelques secondes les distances s’établissent et les concurrents se classent suivant leur force. Autrefois, certaines races pouvaient seules descendre dans la lice, ou obtenaient une avance considérable, tandis que