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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/238

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LA RÉPUBLIQUE DE L’AVENIR.

d’autres couraient, une entrave au pied. En République point de faveur au départ, mais, une fois lancé, chacun galope avec ses jambes.

Comme l’entendent certains théoriciens, l’égalité est contraire à la conformation de la planète que notre race peuple ; le milieu moral répète le milieu physique. Écrasez les montagnes, remplissez les vallées, faites la plaine partout, et le globe périra. Les eaux privées de leurs pentes s’extravaseront au hasard ou tariront, n’étant plus assemblées par les cimes ; des vents furieux balayeront cette boule dénudée et rendue inhabitable. Le monde social est exactement construit de même ; tout s’y étage d’après des lois que rien ne peut faire dévier. L’égalité absolue y serait aussi absurde que dans le monde matériel. Les idées, les richesses prennent leurs cours suivant les différences des niveaux et se distribuent d’elles-mêmes. Maintenant, doit-on guillotiner la montagne, cette aristocrate involontaire, sous prétexte qu’elle opprime la vallée ou qu’elle choque l’orgueil de la plaine ? Ceci, bien entendu, n’empêche pas de combler les fondrières, de rectifier le cours des torrents, de dessécher les marais pestilentiels, au propre et au figuré ; mais tout ce qu’on tentera contre la constitution planétaire, physique et morale du monde où nous vivons ne peut qu’amener d’affreuses et déplorables catastrophes.

Il y aura toujours parmi les hommes une aristo-