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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/284

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THÉOPHILE DE VIAU.

phile, il l’avoue lui-même avec une mâle franchise ce travail l’a longtemps martyré dit-il ; son esprit fantasque et vagabond aime mieux la liberté de l’ode et de l’épître ; il lui faut tout son loisir pour se promener dans les bois, rêver au murmure des ruisseaux, surprendre au vol le double papillon de la rime et chercher la chute d’une stance sans avoir à se préoccuper des entrées ou des sorties et de tous les détails matériels du théâtre.

En effet, Théophile est à la fois lyrique et descriptif. C’est là où il réussit le mieux dans l’ode, il a le souffle, là période nombreuse, la belle conduite de la strophe, une noblesse sans emphase, des trouvailles de mots pleines de bonheur. Dans la description, il a souvent des détails rares, des couleurs vives, un sentiment vrai de la nature, des touches bien posées à leur place, de l’élégance et de la fraîcheur. Il regarde les objets qu’il peint et ne les copie pas dans les vers de quelque ancien auteur à ses peintures ad vivum il mêle sa propre individualité, et il en fait un fond pour ses personnages et ses pensées.

L’ode intitulée le Matin renferme des stances pleines de grâce, des images neuves, des détails observés, et la chute anacréontique qui la termine est bien amenée, quoique rappelant un peu l’odelette de Ronsard :

Mignonne, allons voir si la rose.