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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

pas de notre pays, et que ne savons-nous pas des autres, de façon à y suppléer, tant ils se ressemblent tous !

Cela est si vrai que les touristes consciencieux, qui ont voulu n’écrire que ce qu’ils voyaient, n’ont rapporté de leurs voyages que des récits d’une extrême pâleur. Ils en sont tous réduits, pour la plupart, à moins qu’ils ne se jettent dans la statistique, à compter les arbres de la route, à rapporter les enseignes des auberges, à consigner leurs dialogues avec les servantes, les postillons et les mendiants de grand chemin. Leurs descriptions ne dépassent pas ordinairement le cadre d’un store ou d’une fenêtre. S’ils signalent un objet curieux, c’est ordinairement un nouvel appareil d’usine, ou une cheminée de fonderie de nouvelle invention.

Entre Milan et Florence, ils découvrent une femme qui allaite son enfant sur le seuil de sa porte. La maison est crépie à la chaux, le toit est en tuile, l’enfant est rouge, le sein noir, à peu près comme en France. Plus loin, c’est un homme qui sarcle une vigne ; cet homme est à peu près vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon noisette ; la vigne est verte comme en France. Du reste, les habitants sont blonds et bruns, les paysannes sont laides, les aubergistes vous volent, le ciel est bleu ou gris, la route est pavée, les champs sont cultivés, les pauvres sont pieds nus, il fait chaud ou il fait froid,