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VOYAGES LITTERAIRES

absolument comme en France. Ce que pressentant sans doute, mille rapins littéraires, que d’excellentes raisons empêchent de faire de longs voyages, et qui n’en ont pas moins envie de les raconter à l’instar des maîtres, se sont répandus à la hâte dans la banlieue de Paris, avec leurs plumes et leurs crayons.

Ceux-là vont à Neuilly, à Belleville, à Saint-Mandé et même jusqu’à Pantin, selon que leurs moyens le leur permettent. Ils décrivent, dès la barrière, l’attelage d’une charrette de roulage qu’ils ont vu passer ; ils immortalisent par leurs écrits les beautés de Gentilly ou des Prés-Saint-Gervais ; ils se passionnent pour les potagers voisins ; ils s’enivrent d’air, de soleil, de pittoresque, passent quinze jours sous ce beau ciel, en pension chez un nourrisseur, et reviennent conter leurs longs pèlerinages aux foyers amis.

D’autres ont encore trouvé le moyen d’assouvir leurs nobles instincts plus largement et à moins de frais. Nous voulons parler de cette classe intrépide et hardie de jeunes voyageurs qui s’enferment tout simplement dans leurs chambres, et qui y écrivent un voyage à Smyrne ou en Palestine. Voilà les vrais, les consciencieux voyageurs, ceux que nous aimons et que nous estimons. Que de recherches ! que de notes ! que de versions comparées et qui valent cent fois mieux que le simple aperçu d’un seul homme !