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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/78

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AU BORD DE L’OCÉAN.

cendrée. Il y avait aussi beaucoup de petites charrettes vert pomme avec des roues d’un rouge criard, chargées de tentes peintes en coutil, puis toutes sortes de messieurs ventrus, d’enfants scrofuleux, de femmes plus que quadragénaires, habillés de caleçons mythologiques, coiffées de tabliers de nourrice en taffetas gommé et en sarraus destinés à faire supposer des formes absentes. Ces braves gens étaient plongés dans la poussière jusqu’au cou, sous prétexte de prendre des bains de mer. Quant à la mer, elle était parfaitement chimérique. Je priai humblement un baigneur plus couvert de tatouages qu’un Papou, et qui avait le Christ en croix sur la poitrine, le tombeau de Sainte-Hélène au bras droit, les amours de Sylvie représentés au naturel au bras gauche, d’avoir bien cette bonté de m’indiquer l’Océan. Il ne répondit pas la première à gauche et toujours tout droit comme un commissionnaire, mais il me demanda trente sols et me fit remarquer au bord du ciel une espèce d’ourlet d’un gris bleu qu’il prétendit être l’Océan lui-même en personne ; peu content de l’explication, j’avais envie de lui reprendre mes trente sols, mais il me dit d’entrer dans une de ces boîtes à roulettes et de me déshabiller, ce que j’exécutai sans trop comprendre ce que l’on voulait faire de moi ; un violent cahot me fit tomber à la renverse ; on avait attelé un cheval à ce coucou aquatique, et l’on me traînait du côté de l’ourlet gris