Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/25

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inconnue l’agite ; elle porte les mains à son cœur ému ; la pensée, le sentiment s'éveillent dans son être jusque-là endormi, et sur son front le papillon de l’âme palpite et bat des ailes. Il est difficile de mieux rendre la beauté virginale de la première jeunesse que ne l’a fait Gérard dans cette délicieuse figure. L’Amour aussi est charmant, et ses grandes ailes d’épervier lui ôtent l’air poupin d’un Cupidon de boudoir. Avec ses formes sveltes et sa fière élégance, il rappelle bien l’Amour antique, le bel Éros grec. Ce joli groupe se détache en clair d’un fond de ciel bleu et de collines boisées ; il est regrettable que l’excessif poli de la touche donne aux chairs des tons d’ivoire et de porcelaine.

Nous avons jusqu’à présent parlé de l’école purement classique ; mais, en arrivant à Prud’hon, nous entrons dans une sphère où l’influence de David ne se fait plus sentir ; Gros lui-même la subissait. Nous nous trouvons en face d’un génie naïf et prime-sautier qui cherche l’idéal tout seul et par d’autres routes. Au milieu de son temps, Prud’hon est un fait imprévu. Il a créé une grâce nouvelle et trouvé une veine de beauté inconnue. Sa manière de comprendre l’antique diffère complètement de celle de ses contemporains. Les statues que les élèves de David dessinent avec une sécheresse sculpturale, il semble les voir au clair de lune, argentées de molles lumières, baignées d’ombres et de reflets, ondoyantes, effumées sur les contours, enveloppant et noyant leurs lignes dans une vague brume. A la mythologie de l’Empire il applique le flou du Corrège. Il a la