Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/29

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placés, comme des gardes d’honneur, l'Officier de chasseurs à cheval de la garde impériale chargeant , et le Cuirassier blessé quittant le feu.
L'Officier de chasseurs à cheval, exposé en 1812 sous le titre de Portrait équestre de M. Dieudonné, lieutenant des guides de l’Empereur, fut peint en douze jours avec la fougue, l’emportement et l’audace du génie. A l’aspect de cette peinture étrange si violente, si mouvementée, si fière de dessin et de couleur, David, effaré, s’écria : « D’où cela sort-il, je ne connais pas cette touche ? » Cela sortait d’une idée nouvelle, d’un cerveau bouillonnant, auquel l’ancienne forme ne pouvait suffire et qui faisait éclater les vieux moules. Géricault avait alors vingt ans, et ses professeurs lui conseillaient charitablement d’abandonner la peinture, pour laquelle il n’était pas né. Eux cherchaient le contour et la pureté immobile, lui cherchait la vie, la passion, la couleur. Il adorait Rubens, alors proscrit, tous les violents, tous les fougueux, Michel-Ange, Rembrandt. C’était le Romantique bien avant le Romantisme. Géricault ne pouvait donc s’entendre avec l’école régnante. Son Chasseur, se retournant avec un mouvement si fier sur ce cheval à la croupe tigrée qui se cabre et dont les sabots de devant semblent battre la nuée, produisit, à son apparition, comme une sorte de stupeur. On ne savait si l’on devait admirer ou blâmer, et, dans le doute, généralement on dénigre. Mais le Chasseur avait une de ces beautés impérieuses qui commandent l’attention, et, au milieu de plusieurs critiques, il eut des partisans enthou-