Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/28

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plus beaux de Titien, de Van Dyck et de Velasquez. C'est une brune, aux yeux de velours, dans toute la plénitude de sa beauté ; elle est vêtue d’une robe décolletée, la taille sous le sein, selon la mode de l’Empire, en gaze blanche lamée d’or.
La lumière s’étale complaisamment sur une poitrine du plus admirable modelé et qui semble se gonfler au souffle de la vie, et les contours de son séduisant visage se noient dans des ombres que le Corrège seul eût pu faire aussi suaves. Prud’hon, connaissant à fond la pratique matérielle de son art, beaucoup trop négligée par les artistes de son temps, ébauchait en grisaille, revenait sur sa préparation avec des glacis, employait le blanc dans les ombres au lieu de les frotter de bitume et de jaune de Naples ; aussi ses tableaux conservent-ils leur fraîcheur, tandis que ceux de ses confrères changent de ton, verdissent dans toutes les parties ombrées et se craquèlent par l’abus des huiles siccatives. De son vivant, Prud’hon, qui appartenait « à ce pâle troupeau des talents malheureux, » dont parle Auguste Barbier dans le Sonnet sur Masaccio, ne fut pas estimé comme il le méritait. Des réputations plus bruyantes occupaient la scène, mais sa réputation augmente tous les jours et son auréole devient plus lumineuse. Aujourd’hui ses moindres toiles se couvrent d’or.
Au-dessous du Marius de Drouais, de l'Éducation d’Achille de Regnault, et du Philoctète de Fabre, estimables peintures qu’il suffit d’indiquer, flotte, dans son immense toile, le Radeau de la Méduse, de Géricault. De chaque côté du chef-d’œuvre sont