Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/69

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l’idée de sa puissance , de son éclat et de son originalité. La fameuse Assomption de Murillo, si chèrement disputée à la vente du maréchal Soult, resplendit au milieu des toiles assombries de tout l’éclat argenté de sa lumière céleste. La Vierge, en robe blanche, les épaules couvertes d’un manteau d’azur, couronnée d’étoiles et les pieds sur le croissant de la lune, monte, avec la légèreté d’une vapeur, vers le divin séjour, où l’attend son trône. Ses belles mains se croisent sur sa poitrine, et ses yeux, noyés d’extase, boivent avidement l’éternelle clarté. Elle va retrouver au ciel, plein de gloire et à la droite du Père, le Fils qu’elle a vu expirer sur la croix. Autour de la Vierge flotte, dans une brume lumineuse faite d’azur, d’argent et d’or, une guirlande de petits chérubins beaux comme des anges, gentils comme des amours , qui folâtrent , volètent et s’empressent avec une gaieté bienheureuse. Jamais Daniel Seghers, le jésuite d’Anvers, ne peignit autour d’une vierge de Rubens une si fraîche couronne de roses, et encore les chérubins de Murillo sont-ils d’un ton plus frais, plus léger, plus tendre. Les fleurs du paradis l’emportent sur celles de la terre. Ce tableau, quelque admirable qu’il soit, ne vaut pas, selon nous, la Sainte Elisabeth de Hongrie qu’on voit à l’académie de San-Fernando à Madrid, ni même le Saint Antoine de Padoue de la cathédrale de Séville recevant l’enfant Jésus des mains de la Vierge ; mais il a pour lui un charme adorable, une séduction irrésistible. Au sentiment du plus fervent catholicisme il joint une espèce de coquetterie pieuse, d’afféterie