Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/70

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céleste et de grâce amoureusement dévote que pouvait seul concevoir et rendre un peintre espagnol croyant et convaincu.
Une autre toile de Murillo, représentant l'Immaculée Conception de la Vierge, figure aussi dans le Salon carre. Si elle n’a pas tout l’éclat du tableau que nous venons de décrire, ou y reconnaît cependant les éminentes qualités du maître. Elle se distingue du premier par un mélange de réalité et d’idéal dont le contraste est du meilleur effet. Au-dessous du groupe vaporeux de la Vierge et des anges, tenant une banderole sur laquelle on lit : In principio dilexit eam, on aperçoit un groupe de cinq personnages, à mi-corps, qui contemplent la Reine céleste dans des attitudes de fervente adoration. Toutes ces têtes ont une rare puissance de réalisme, car Murillo ne peignait pas moins bien les hommes que les anges.
L'Adoration des Bergers de José Ribera, dit l’Espagnolet, appartient à la manière tempérée du maître, ordinairement plus fougueux, plus violent et plus inculte. Ribera, qui avait dans son génie féroce quelque chose du spadassin , de l'inquisiteur et du tortionnaire et qui se plaisait à la représentation des martyrs en proie aux bourreaux, des saints disséqués par la pénitence, des vieillards arrivés au dernier degré de la décrépitude, qu’il reproduisait avec une vérité effrayante et une vigueur d’effet et de touche que personne n’a dépassées, n’était cependant pas incapable de sentir et d’exprimer la beauté pure. Il n’en faut d’autre preuve que la délicieuse tête de la Vierge qui reproduit, avec tant de charme,