Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gagnant la gloire à la sueur de son front, à travers les ronces, les pierres et les chemins hérissés de chausse-trapes, on retourne avec un long regret des yeux mélancoliques vers le paradis perdu (nous n’avons pourtant pas mangé de pomme ! ni désobéi en rien à notre seigneur Hugo). Une telle joie ne devait sans doute pas durer. Être jeune, intelligent s’aimer, comprendre, et communier sous les espèces de l’art, on ne pouvait concevoir une plus belle manière de vivre, et tous ceux qui l’ont pratiquée en ont gardé un éblouissement qui ne se dissipe pas. — Voyez comme une allusion à ce passé sympathique dans un article de journal va chatouiller ce bon, ce brave, ce sensible Bouchardy, jusqu’au plus tendre de l’âme ! comme il vibre toujours, comme il palpite, comme il se souvient de tout ! comme son imagination se transporte vers la petite chambre constellée des médaillons de Jehan du Seigneur et des esquisses de Louis Boulanger un de ces soirs de bonne causerie sur l’art, l’idéal, la nature, la forme, la couleur, et autres questions du même genre qui nous paraissaient alors et avec raison de la plus palpitante actualité comme elles le seraient encore aujourd’hui ! quelle ardeur il y mettrait et surtout comme il écouterait !

Cette lettre si naïve et si touchante de celui que nous appelions le Maharajah de Lahore, le prince à la peau d’or et aux cheveux bleus, rencontrée par hasard dans le champ des morts de nos cartons bientôt aussi peuplés que ceux d’Eyaub et de Scutari,