Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/122

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ner avec ensemble sur les philistins au moindre signe d’hostilité.

Six ou sept heures d’attente dans l’obscurité, ou tout au moins la pénombre d’une salle dont le lustre n’est pas allumé, c’est long, même lorsqu’au bout de cette nuit Hernani doit se lever comme un soleil radieux.

Des conversations sur la pièce s’engagèrent entre nous, d’après ce que nous en connaissions. Quelques uns, plus avant dans la familiarité du maître, en avaient entendu lire des fragments dont ils avaient retenu quelques vers, qu’ils citaient et qui causaient un vif enthousiasme. On y présentait un nouveau Cid ; un jeune Corneille non moins fier, non moins hautain et castillan que l’ancien, mais ayant pris cette fois la palette de Shakspeare. On discutait sur les divers titres qu’avait dû porter le drame. Quelques-uns regrettaient Trois pour une, qui leur semblait un vrai titre à la Calderon, un titre de cape et d’épée, bien espagnol et bien romantique, dans le genre de La vie est un songe, des Matinées d’avril et de mai ; d’autres, et avec raison, trouvaient plus de gravité au titre ou plutôt au sous-titre l’Honneur castillan, qui contenait l’idée de la pièce.

Le plus grand nombre préférait Hernani tout court, et leur avis a prévalu, car c’est ainsi que le drame s’appelle définitivement, et que, pour nous servir de la formule homérique, il voltige, nom ailé, sur la bouche des hommes à la voix articulée.

Dix ans plus tard nous voyagions en Espagne.