Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/194

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Il avait déjà commencé sa croisade contre le soleil, contre la campagne, contre les voyages, contre la nature, qu’il n’admettait que dans les tableaux de son frère Camille.

Au milieu du désordre pittoresque de la bande romantique, il se distinguait par des recherches de toilette, un goût et un soin de costume qu’eussent approuvés Brummel et le beau Nash. Un des premiers, il importa en France la propreté anglaise avec son outillage compliqué ; nul n’avait plus soin de lui-même, et il eût au besoin écrit la Théorie du dandysme si bien posée par Barbey d’Aurevilly, dans son petit livre ; mais n’allez pas croire pour cela qu’il eût rien de britannique dans le caractère : il était essentiellement Français, ou plutôt Parisien, — de ceux qui ne se trouvent vraiment chez eux qu’entre la rue Drouot et la rue du Helder, du côté des Italiens. — Il se piquait de bien vivre, et formulait sur cette matière des aphorismes dont la forme paradoxale n’excluait pas la justesse. Son coup d’œil d’observateur était rapide et pénétrant, et nul ne saisissait comme lui le ridicule, la manie ou le tic du jour ; mais il n’y mettait aucune acrimonie philosophique, étant trop homme du monde pour cela, et il s’amusait des sots, cultivant avec soin ces grosses fleurs de bêtise et les arrosant, pour les faire épanouir, d’une pluie de sarcasmes incompris. Ce qu’il détestait le plus, c’étaient les ennuyeux solennels, les tartufes-prud’hommes, les ânes sérieux, comme il les appelait.