Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/204

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a cette foi, car il la communique aux autres, et domine son public. Il aimait à développer ces beaux et grands lieux communs qui sont le fond même de l’âme humaine, et qui font naître sur les lèvres du sceptique un mauvais rire : l’amour paternel, la fidélité, le dévouement, la loyauté chevaleresque, le point d’honneur, et tous les nobles motifs qui peuvent déterminer l’action. Ces choses depuis sont devenues ridicules, et le naïf Bouchardy s’en étonnait en voyant l’insuccès de ses dernières pièces, où il avait mis la même somme de talent que dans les premières. Ce qui lui manqua toujours, c’est le style, cet émail qui rend éternelles les œuvres qu’il revêt. Il est trop occupé de ses charpentes pour s’inquiéter beaucoup de ses phrases. Dans le vrai sens du mot, « il était du théâtre ». Cette qualité, chez lui, primait toutes les autres.

Bien que l’ombre soit descendue trop rapidement sur lui, il a tenu une assez grande place dans ce temps-ci. Toute proportion gardée, il était à peu près à Hugo ce que Marlowe fut à Shakespeare, et nous ne pouvons, nous l’un des derniers survivants de l’école, laisser ce vieux romantique s’étendre dans la tombe sans les honneurs qui lui sont dus.

7 juin 1870.