Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/227

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des critiques ineptes ou malveillantes. Avoir dépassé l’image que le grand Gœthe s’était faite de son Faust, c’était beau cela !

Si Shakspeare eût été notre contemporain et eût pu voir les illustrations d’Hamlet, où l’artiste a pénétré si profondément ce drame mystérieux plein d’ombres noires et de clartés livides, il aurait reconnu sur les dessins, plus vivants, plus sinistres et plus caractéristiques, les fantômes de sa propre imagination.

II

Un autre suffrage empreint d’une sorte de divination, celui de M. Thiers, qui, dans son Salon de 1827, ne craint pas, à propos de la Barque du Dante, de placer Eugène Delacroix au nombre des grands maîtres, dut consoler l’artiste de bien des diatribes et des injustices. Ce sera un éternel honneur pour l’homme d’État d’avoir deviné le génie du peintre[1]. Ainsi, à ses débuts dans la carrière, Delacroix eut pour premiers appréciateurs Gœthe et Thiers. Cette admiration de l’homme politique devint précieuse pour l’artiste, car, arrivé au pouvoir, M. Thiers se souvint du génie dont il avait eu le pressentiment avant tous les autres, l’appuya de son crédit dans la distribution des commandes, et

  1. Nous avons pensé qu’il serait intéressant de reproduire ici le passage de l’article de M. Thiers relatif à Eug. Delacroix. Le voici :
    « J’ai parlé de M. Drolling comme d’un homme consommé dans