Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/255

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tention soutenue, la compréhensive indulgence qu’il apportait a ces délicates fonctions, dont on ne peut apprécier la difficulté qu’après les avoir pratiquées soi-même, il n’est pas besoin de les dire, et lorsqu’une œuvre bizarre, outrée, extravagante de pensée ou d’exécution, nous passait sous les yeux, avant de prononcer le verdict de refus, Rousseau disait aux vieux de 1830, devenus comme lui membres du jury : « Prenons garde, messieurs ; nous ne sommes peut-être plus que des ganaches romantiques, classiques à notre façon. »

À l’une de ces séances, la dernière, nous sortîmes ensemble. Le paysagiste solitaire était un causeur remarquable ; il parlait bien de toutes choses et surtout de son art. Une vieille ardeur inextinguible l’empêchait de sentir la fatigue, et après ce travail qui courbaturait les plus jeunes, il était animé, vaillant, prêt à la théorie, au paradoxe et à l’esthétique. Nous traversions lentement ces jardins où Ledoyen a installé sa cuisine, dans une villa pompéienne d’un assez bon effet, entrevue sous un rayon de soleil à travers des massifs de verdure. Un arbre d’un jet superbe et le tronc à demi enveloppé de lierre, comme une colonne, nous frappa, et nous le fîmes remarquer au grand artiste. Nous trouvions à cet arbre une élégance particulière, mondaine pour ainsi dire et fashionable. Il y a, disions-nous, des arbres sauvages, des arbres paysans, des arbres bourgeois, des arbres dandies ; celui-ci en est un. On peut le considérer comme un marquis de la végétation ; on