Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/256

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dirait qu’il s’est formé aux belles manières en voyant passer sous son ombre le luxe du grand monde et du demi-monde, les voitures brillantes, les chevaux fringants, les toilettes tapageuses. Les arbres des parcs princiers ou seigneuriaux semblent porter des blasons. Sans doute la nature inculte vaut mieux, mais il y a un charme dans cette nature arrangée. Et pourquoi les paysagistes ne représentent-ils jamais un parc, un jardin, une villa avec son élégance agréable, quoiqu’un peu peignée ? Théodore Rousseau répondit : « Cela est bien difficile. » Nous allâmes, tout en continuant le discours, au Cours la Reine, à l’Élysée et aux Tuileries : différents groupes d’arbres de la disposition la plus heureuse et d’une beaulé de formes qu’on «’aurait pas trouvée plus grande dans une forêt vierge, mais toujours avec un cachet aristocratique reconnaissable. Les grands yeux de l’artiste s’étaient illuminés, et déjà le tableau se composait dans sa tête, et son doigt levé, suivant le contour des choses, en esquissait les principales lignes. Deux marronniers qui s’élèvent derrière la Diane chasseresse lui paraissaient propres à former le groupe central, ou, comme il le disait, le nœud de la composition. Ce rêve l’occupait déjà tout entier ; il voulait peindre Tarbre des cités après avoir si bien peint l’arbre des forêts, et, nous donnant une brusque poignée de main, il nous quitta en nous jetant ces mots : « Ce tableau, je le ferai. »

Ce tableau, il ne l’a pas fait. L’homme fait des