projets sans compter sur la mort, et nul n’est sûr d’achever la ligne commencée. Nous n’avons plus revu Théodore Rousseau. Qui eût pu croire que cette promenade charmante, entremêlée de causeries, d’études de la nature, de discussions amicales sur l’art, était le dernier entretien que nous aurions sur la terre ? La journée était belle, tout souriait ; l’artiste, avec ses larges épaules, sa physionomie vigoureuse et colorée, sa barbe où se glissaient à peine quelques touches grises, semblait logiquement promis à une longue vie. Nul pressentiment funeste, rien qui présageât la séparation éternelle. Quelle chose douloureuse et mélancolique de penser que lorsqu’on se quitte, c’est peut-être pour toujours !
Maintenant Théodore Rousseau repose à Fontainebleau, dans ce cimetière où nous avons déjà mené
Decamps, à travers la forêt, par une journée de printemps qui semblait rire de la douleur humaine. Il
a voulu être enterré là, près de cette chaumière de
Barbison, enfouie dans les fleurs et les plantes grimpantes, où il se plaisait, et qui ressemblait au cottage de Gainsborough. Que la nature donne un bon
sommeil à son peintre favori, et que la forêt tant
aimée lui verse une ombre fraîche découpée de soleil !
- (Moniteur, 4 janvier 1868.)