Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ginalité et de liberté. L’opposition qu’ils rencontrèrent fut encore plus violente que celle qu’on faisait aux poètes et aux peintres, car la statuaire, par l’habitude et le besoin du nu, empruntant presque tous ses sujets à la vie héroïque, à la mythologie, à l’allégorie, reste forcément classique et païenne : le christianisme, avec ses pudeurs et son mépris de la chair, n’a pu l’obliger à s’habiller. Elle aime à représenter la forme sous le costume de la Vérité sortant de son puits, et en fait d’habit elle n’admet guère que la draperie, accompagnement libre de la nudité. Pour nos époques compliquées et troublées, ce détachement de la passion, de l’accident, de la couleur, ce calme immuable, arrivent aisément à la froideur et à l’ennui. La composition d’une statue se borne à des eurhythmies d’attitude, à des pondérations de lignes, à des balancements de contours, et le soin de la beauté en exclut toute violence caractéristique. En suivant cette route à travers une civilisation qui ne lui est pas favorable, l’antique devient aisément classique, le classique académique et l’académique poncif. On n’a plus qu’une suite de surmoulages de formes de plus en plus effacées.

Barye a été, dans ce combat de l’idée nouvelle contre la routine, un des plus courageux, des plus fermes et des plus patients lutteurs. Né en 1796, il entra dans l’art par la porte de l’industrie. À treize ans, il fut mis chez Fourier, graveur sur acier, dont la spécialité était de faire des matrices pour