Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/267

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et de l’aide des commandes officielles, il exécuta une foule de bronzes grands et petits, qui ajoutèrent à sa réputation déjà très-grande, et qui du cercle des artistes, les premiers appréciateurs en toutes choses, s’était promptement répandue : certes, Barye n’avait besoin, pour être célèbre, de l’intérêt qui s’attache à la victime d’une injuste réprobation, mais cette auréole de martyr, qu’il n’avait pas cherchée, ne lui nuisit pas, et l’on admirait d’autant plus ce mâle et courageux artiste qui, dans le silence et la solitude de l’atelier, en dehors de tout appui du gouvernement, étudiait, travaillait et multipliait des œuvres marquées au cachet d’une originalité puissante.

Barye n’a pas traité l’animal en simple naturaliste, il ne s’est pas contenté d’en représenter l’attitude habituelle et les détails caractéristiques ; il en a dégagé la beauté et le style, cherchant les grandes lignes, les plans larges, les tournures superbes, les fiertés de contours, les équilibres de poses, comme s’il s’agissait de la figure humaine. Mais, hâtons-nous de le dire, de sévères études d’ostéologie, de musculatures, de pelages, de longues contemplations de l’animal vivant, la connaissance parfaite de ses mœurs, de son caractère, de ses allures, lui permettaient de concilier la vérité avec l’idéal.

Il ne faut pas s’imaginer qu’il n’y eût pas de lions académiques et de tigres poncifs. Pour se convaincre du contraire, il suffit de regarder, dans les jardins publics, ces grands caniches sculptés, posés sur des piédestaux aux angles des terrasses et