Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/30

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tortures des passions ont altéré sa physionomie primitive. Il ne laisse de lui qu’un masque usé, flétri, où chaque douleur a mis pour stigmate une meurtrissure ou une ride. C’est de cette dernière image, qui a sa beauté aussi, dont on se souvient. » Nous avons eu le bonheur de les connaître à leur plus frais moment de jeunesse, de beauté et d’épanouissement, tous ces poètes de la pléiade moderne dont on ne connaît plus le premier aspect.

Ce qui frappait d’abord dans Victor Hugo, c’était le front vraiment monumental qui couronnait comme un fronton de marbre blanc son visage d’une placidité sérieuse. Il n’atteignait pas, sans doute, les proportions que lui donnèrent plus tard, pour accentuer chez le poète le relief du génie, David d’Angers et d’autres artistes ; mais il était vraiment d’une beauté et d’une ampleur surhumaines ; les plus vastes pensées pouvaient s’y écrire ; les couronnes d’or et de laurier s’y poser comme sur un front de dieu ou de césar. Le signe de la puissance y était. Des cheveux châtain clair l’encadraient et retombaient un peu longs. Du reste, ni barbe, ni moustaches, ni favoris, ni royale, une face soigneusement rasée d’une pâleur particulière, trouée et illuminée de deux yeux fauves pareils à des prunelles d’aigle, et une bouche à lèvres sinueuses, à coins surbaissés, d’un dessin ferme et volontaire qui, en s’entr’ouvrant pour sourire, découvrait des dents d’une blancheur étincelante. Pour costume, une redingote noire, un pantalon gris, un petit col