Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/335

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des bœufs revenant du labour, des paysans ni embellis ni enlaidis, mais pris dans leur forte simplicité et leur majesté naturelle, l’expression des sentiments que ces spectacles inspirent, et çà et là, dans une juste proportion, des fleurs de poésie mêlées aux préceptes d’agriculture comme des coquelicots et de bluets dans les blés, voilà les éléments employés par le poëte pour composer ses tableaux et remplir heureusement son cadre.

N’allez pas croire que les poëtes de ville puissent en remontrer à ce poëte des champs ; il n’a oublié aucun des secrets du métier. Son vers est plein, solide, grave ; ses rimes sont riches, s’élayant toujours à la consonne d’appui, d’un son pur comme le tintement de la clochette suspendue au col des vaches descendant de la montagne, nouvelles sans bizarrerie et toujours bien amenées. Virgile, tout en soulignant quelques lourdeurs, applaudirait à ces nouvelles Géorgiques.

Henri Blaze de Bury, quoiqu’il soit jeune encore et n’ait pas déserté le champ de bataille de la poésie, comme cela est arrivé à plusieurs et des mieux méritants, détournés de l’art sacré par la critique plus lucrative et de placement plus facile, a débuté vers 1853, en plein mouvement romantique, avec le Souper chez le commandeur, inséré d’abord dans la Revue des Deux Mondes, et réimprimé plusieurs fois depuis. — C’était une œuvre excessive et bizarre, où la prose se mélangeait au vers dans une proportion shakspearienne, et où l’on sentait que