Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/336

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le don Juan de Tirso de Molina et de Molière avait lu Byron, Hoffmann, et écouté la musique de Mozart. Il y a eu dans la composition du poëte, chez Henri Blaze, trois éléments très-reconnaissables : l’homme du monde ou, pour être plus intelligible, le dandy, le dilettante et le critique. Tout jeune, il savait l’allemand, la musique, il portait des gants paille, et l’autorité paternelle lui ouvrait les coulisses et les loges intimes des théâtres lyriques. Ajoutez à cela un reflet de diplomatie, quelques relations avec les cours du Nord, et vous aurez un poëte élégant et mondain, quoique très-lettré, très-savant et très-romantique, d’une physionomie toute particulière. Henri Blaze traduisit le Faust de Gœthe, non-seulement le premier, mais le second, ce qui est d’une bien autre difficulté, à la satisfaction générale des Allemands, étonnés d’être si bien compris par un Français dans l’œuvre la plus abstraite et la plus volontairement énigmatique de leur plus haut génie. — Ses vers, d’une facture très-savante, quoique d’une apparence parfois négligée, rappellent en quelques endroits l’allure d’Alfred de Musset ; ils portent, comme les fashionables de ce temps-là, la rose à la boutonnière et le chapeau un peu penché sur une touffe de frisure ; mais là s’arrête la ressemblance. Alfred de Musset est Anglais et Blaze est Allemand : l’un jure par Byron et l’autre par Gœthe, tout en se réservant chacun son originalité. Les vergiss-mein-nicht, les roses, les rossignols, les rêveries sentimentales et le clair de lune