Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/35

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peu son nom pour lui donner plus de tournure), de Napoléon Tom, de Joseph Bouchardy, de Célestin Nanteuil, un peu plus tard, de Théophile Gautier, de quelques autres encore, et enfin de Petrus Borel lui-même. Ces jeunes gens, unis par la plus tendre amitié, étaient les uns peintres, les autres statuaires, celui-ci graveur, celui-là architecte ou du moins élève en architecture. Quant à nous, comme nous l’avons dit, placé à l’Y du carrefour, nous hésitions entre les deux routes, c’est-à-dire entre la poésie et la peinture, également abominables aux familles.

Cependant, sans avoir franchi le Rubicon, nous commencions à faire plus de vers que de croquis, et peindre avec des mots nous paraissait plus commode que de peindre avec des couleurs. Au moins, la séance finie, il n’y avait pas besoin de faire sa palette et de nettoyer ses pinceaux.

Nous n’étions pas le seul, de la petite bande qui éprouvât ces incertitudes de vocation. Joseph Bouchardy, alors inconnu, apprenait à graver à la manière noire sous l’Anglais Reynolds, auteur de la belle planche d’après le tableau de la Méduse, de Géricault, mais il se sentait violemment entraîné vers le drame. On sait à quel point le succès justifia cette indication impérieuse de l’instinct. J. Bouchardy-Cœur-de-Salpêtre, comme l’appelle Petrus dans la préface des Rhapsodies, où il jette en passant un mot à chaque camarade, ne se fit pas graveur au pointillé, quoiqu’il en eût appris le métier à fond. Il devint le Shakspeare du boulevard. On pourrait