Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/378

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présente avec cinq ou six pièces qui caractérisent bien les notes diverses de son talent. Le Rêve du jaguar est un de ces tableaux de nature tropicale qu’il peint de si vigoureuses couleurs : la Verandah, sorte de sixtine dont certaines rimes reviennent comme des refrains, a le charme d’une incantation ; Ekhidna respire un hellénisme archaïque et farouche ; Ekhidna, cette fille monstrueuse et superbe de Kallirhoé et de Klirysaor, montre à l’entrée de sa grotte, pour attirer les hommes, sa tête à la beauté fascinante, ses bras plus blancs que ceux d’Héré, et sa gorge semblable à du marbre du Paros, tandis que dans l’ombre de la caverne traîne son ventre squameux sur les ossements polis comme de l’ivoire des amants dévorés. Le Cœur d’Hialmar, morceau d’une sauvagerie Scandinave, où le héros mourant sur le champ de bataille invite le corbeau à lui prendre dans la poitrine son cœur rouge et fumant pour le porter à la blanche fille d’Ymer, semble dicté par une Walkyrie ! et la Prière pour les morts, hymne védique d’une profonde solennité religieuse, serait approuvée des richis et des mounis de l’Inde, assis sur leurs peaux de panthère entre quatre réchauds.

Quelques pages plus loin se trouvent des sonnets de Louis Ménard, non moins amoureux du génie grecque Leconte de Lisle. Ménard, à la fois savant, peintre et poète, est un des esprits modernes qui ont le mieux compris l’hellénisme et pénétré le sens de cette civilisation douce et charmante où l’homme