Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/379

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s’épanouissait dans toute sa beauté, parmi des dieux presque pareils à lui. Entre ces sonnets, il en est un précisément intitulé Nirbana : l’auteur y exprime ses aspirations à l’éternel repos et au néant divin comme tous ceux qui ne sont pas nés de leur temps, que lassent les combats d’une vie sans intérêt pour eux et que poursuit le souvenir nostalgique d’une patrie idéale perdue. Louis Ménard était évidemment fait pour les entretiens du cap Sunium et des jardins d’Académus. C’est un Grec né deux mille ans trop tard, et quand nous le vîmes pour la première fois, il nous fit songer à ce dernier prêtre d’Apollon que Julien rencontra dans un petit dème de l’Attique, allant, faute de mieux, sacrifier une oie sur l’autel demi-écroulé de son dieu tombé en désuétude.

L’Exil des Dieux de Banville peuple une vieille forêt druidique des dieux chassés de l’Olympe, et montre sous son aspect sérieux un thème poétique que Henri Heine, avec son scepticisme attendri et sa sensibilité moqueuse, avait traité plus légèrement. Jupiter, qui est redevenu Zeus, selon la terminologie de Leconte de Lisle, n’est plus marchand de peaux de lapin dans une petite île de la mer du Nord, et ne s’entretient pas avec les matelots venus de Syra en vieux grec homérique, comme le prétend le railleur allemand. Il conduit tristement sous les chênes, qui ne rendent plus d’oracles, comme ceux de Dodone, la troupe dépossédée des Olympiens exhalant leurs douleurs en vers su-