Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/394

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le pinceau descriptif d’André Lefèvre. Son habileté se joue à l’aise au milieu de ces comparaisons empruntées à des mœurs et à une nature très-nouvelles et même étranges pour des lecteurs européens. Mettre ainsi face à face dans un même volume Virgile et Kalidâsa, l’antiquité latine et l’antiquité indoue, c’est nous mettre à même de faire de la littérature comparée et montrer utilement un admirable talent de versificateur. On ne saurait mieux employer ses loisirs de poète.

Emmanuel des Essarts, quoiqu’il ait fait déjà deux ou trois recueils de vers, les Élévations et les Poésies parisiennes, et qu’il en prépare un autre dont il a paru plusieurs fragments dans des revues littéraires sous le titre un peu singulier d’Idylles de la Révolution, n’en est pas moins tout jeune et des plus frais éclos. Il peut mettre au service de son talent poétique une science acquise par de sévères études, et nous ne sommes pas de ceux qui croient que la science nuit à l’inspiration ; elle est, au contraire, une des ailes qui soulèvent le poëte et l’aident à planer au-dessus de la foule. Nourri de l’antiquité grecque et latine, des Essarts la mélange dans les proportions les plus heureuses avec la modernité la plus récente. Parfois, la robe à la mode dont sa muse est revêtue dans les Poésies parisiennes prend des plis de tunique et appelle quelque chaste statue grecque. Le beau antique corrige à propos le joli et l’empêche de tourner au coquet. Une goutte de vieux nectar mythologique tombe parfois au fond