Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/395

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du verre à vin de Champagne et en empêche le pétillement trop vif. Il faut encourager ces tentatives très-difficiles et qui exigent le goût le plus délicat, d’amener à la forme poétique les choses de la vie actuelle, nos mœurs, nos habitudes, nos fêtes, nos tristesses en habit noir, nos mélancolies en robe de bal, les beautés qui nous plaisent et que nous admirons sur l’escalier des Italiens ou de l’Opéra, à qui nous donnons des violettes de Parme, pour qui nous faisons des sonnets, et dont, enfin, nous sommes amoureux. On reproche toujours aux artistes de ne pas s’inspirer de leur temps et d’aller chercher dans le passé des sujets qu’ils trouveraient autour d’eux s’ils voulaient regarder. Mais la routine est si forte que le moindre détail familièrement moderne, qu’on accepte très-bien en prose, choque en poésie. Il faut outrer un peu le dandysme et la moquerie byronienne pour faire supporter les tableaux de la vie que nous voyons tous les jours, même ceux encadrés d’or et appendus sur de riches tentures. Ces élégances mondaines se plient difficilement aux sévérités du rhythme, et c’est un des mérites de des Essarts de les y avoir contraintes sans leur rien faire perdre de leur désinvolture et de leur grâce. Le jeune auteur est d’ailleurs passé maître en ces escrimes. Le vers ne lui résiste jamais ; il en fait ce qu’il veut, et pour la richesse de la rime il est millionnaire. Dans les Élévations, l’auteur peut laisser ouvrir à son lyrisme des ailes qui se seraient brûlées aux bougies d’un salon ; il vole à plein ciel,