Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/412

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Zim-Zizimi et le sultan Mourad nous montrent l’Orient du moyen âge avec ses splendeurs fabuleuses, ses rayonnements d’or et ses phosphorescences d’escarboucles sur un fond de meurtre et d’incendié, au milieu de populations bizarres venues de lieux dont la géographie sait à peine les noms. L’entretien de Zim-Zizimi avec les dix sphinx de marbre blanc couronnés de roses est d’une sublime poésie ; l’ennui royal interroge, et le néant de toutes choses répond avec une monotonie désespérante par quelque histoire funèbre.

Le début de Ratbert est peut-être le morceau le plus étonnant et le plus splendide du livre. Victor Hugo seul, parmi tous les poètes, était capable de récrire. Ratbert a convoqué sur la place d’Ancône, pour débattre quelque expédition, les plus illustres de ses barons et de ses chevaliers, la fleur de cet arbre héraldique et généalogique que le sol noir de l’Italie nourrit de sa sève empoisonnée. Chacun apparaît fièrement campé, dessiné d’un seul trait du cimier au talon, avec son blason, son titre, ses alliances, son détail caractéristique résumé en un hémistiche, en une épithète. Leurs noms, d’une étrangeté superbe, se posant carrément dans le vers, font sonner leurs triomphantes syllabes comme des fanfares de clairon, et passent dans ce magnifique défilé avec des bruits d’armes et d’éperons.

Personne n’a la science des noms comme Victor Hugo. Il en trouve toujours d’étranges, de sonores, de caractéristiques, qui donnent une physionomie