Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/68

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Ces divertissements accompagnés de lazzi, d’agudezzas, de calembours, de paradoxes, de cris étranges, et d’un dialogue rappelant tour à tour le banquet de Pluton et le bavardage effréné de Béroald de Verville dans le Moyen de parvenir, commencèrent bientôt à nous paraître fades, bourgeois, — oui, bourgeois, — manquant d’imprévu et de pittoresque. Au fond, cela n’avait rien de titanique de manger du macaroni au cabaret, et les foudres ne devaient pas s’en émouvoir dans l’arsenal céleste. Il eût fallu, pour donner du ragoût et du montant à la petite fête, quelque chose de risqué, d’audacieux, de révolté, de byronien, de satanique, en un mot.

Nous admirions fort les prouesses du jeune lord et ses bacchanales nocturnes flans l’abbaye de Newstead avec ses jeunes amis recouverts de frocs de moine dont les plis, en s’entr’ouvrant, laissaient parfois deviner des blancheurs et des rondeurs féminines ; ces banquets où circulait, pleine d’une sombre liqueur, une coupe plus blanche que l’ivoire, effleurée par des lèvres de rose avec un léger sentiment d’effroi, nous semblaient la suprême expression du dandysme, par l’absolue indifférence pour ce qui cause l’épouvante du genre humain. Il est vrai qu’il nous manquait Newstead, les cloîtres se prolongeant dans l’ombre, le cygne se jouant dans l’eau diamantée sous un rayon de lune, peut-être bien aussi les jeunes pécheresses blondes, brunes ou même rousses ; mais on pouvait se procurer le crâne ; ce fut Gérard de Nerval qui s’en chargea.