Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sentier qui conduisait à son seuil littéraire s’effaça rapidement sous les mousses, les ronces et les végétations parasites. Un chagrin inconnu plus ou moins mal dévoré, cette immense fatigue qui suit parfois chez les jeunes poëtes un trop violent effort intellectuel, le désaccord du réel et de l’idéal, une de ces causes ou toutes ces causes ensemble, peut-être aussi le regret ou le scrupule de certaines audaces, avaient-ils recouvert de leurs cendres grises le poëte de Feu et Flamme. Il s’était retiré du petit cénacle où il flamboyait et pérorait jadis, et l’on avait perdu sa trace, comme cela arrive trop souvent à ces jours de dispersion où s’écroulent les Babels du rêve qu’élèvent en commun les compagnons de l’idée quand ils ont vingt ans.

Par son âge, il était notre contemporain, c’est-à-dire qu’il avait atteint sa majorité après 1830, car dans cette école nous étions précoces et nous aurions tous pu, comme lord Byron, écrire sur notre premier volume en vers : Poésies d’un mineur.

Quand Philothée O’Neddy fréquentait la cave de Petrus et la boutique de Jehan, — le jeune statuaire avait installé son atelier dans une boutique de fruitière, au coin de la rue Vaugirard, en face de cette fontaine ornée d’un bas-relief représentant une nymphe vue de dos où s’ajuste assez bizarrement un robinet de cuivre, — c’était un garçon qui offrait cette particularité d’être bistré de peau comme un mulâtre et d’avoir des cheveux blonds crêpés, touffus, abondants comme un Scandinave ; ses yeux