Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coloration du temps donne aux vieilles tapisseries. Nous ignorons ce que cette comédie qui avait été reçue à l’Odéon, si nos souvenirs ne nous trompent, peut-être devenue.

On ignore également au fond de quel tiroir à la clef perdue depuis longtemps, au fond de quelle malle oubliée et de quel grenier hanté des rats, est allé, après bien des vicissitudes, échouer le Prince des sots, une imitation des plus spirituelles et des mieux réussies des grandes Dyableries du moyen âge. Le Prince des sots, dont l’argument était une une troupe de jongleurs s’introduisant, sous prétexte de représentation, dans un château féodal, pour enlever une beauté retenue par un père ou un mari tyrannique, contenait une petite pièce renfermée dans la grande, comme ces boules d’ivoire que la dextérité patiente des Chinois sculpte, les unes dans les autres. — C’était un mystère à la façon gothique qui avait pour décoration une gueule d’enfer toute rouge, surmontée d’un paradis bleu tout constellé d’or. Un ange descendu des voûtes bleues y jouait avec le diable des âmes aux dés. Nous ne nous rappelons plus quel était l’enjeu de l’ange. Par excès de zèle, et pour ramener plus d’amis au ciel, l’ange trichait. Le diable se fâchait et appelait l’ange : « grand dadais, céleste volaille », et le menaçait, s’il récidivait, « de lui plumer les ailes », ce qui l’empêcherait de remonter chez son patron. La querelle s’envenimait, et il en naissait un tumulte dont l’amoureux, protégé par le prince des sots, profitait