Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/96

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rique, — il se sauve et même ne paraît pas du tout.

Le manuscrit du Prince des sots, si quelque cuisinière illettrée ne s’en est pas servie pour flamber un poulet, était de forme oblongue, sur un papier bleuâtre que l’âge doit avoir jauni. Tout entier de la main de Gérard, de cette écriture nette, fine et bien rangée, ménageant de chaque côté de larges espaces pour isoler et aérer le vers. Le prologue est de notre main, mais cela ne fait pas disparate. Nos écritures étaient sœurs comme nos cœurs étaient frères, et elles se ressemblaient à s’y méprendre parfois.

Voilà tout ce nous pouvons dire à M. Asselineau, à qui nous souhaitons de rencontrer ce dalhia bleu, emblème de l’éternel désir, et qu’il vaut peut-être mieux ne trouver jamais.

Toutes les idées de la jeunesse étaient tournées vers le théâtre, ce centre lumineux vers lequel convergent les attentions les plus diverses, depuis les plus sérieuses jusqu’aux plus frivoles ; le théâtre où la femme parée comme pour un tournoi écoute, regarde en rapprochant deux ou trois fois ses mains, gantées en blanc, semble comprendre, juger et décerner la palme. Le roman-feuilleton des journaux n’était pas inventé. Le théâtre était donc le seul balcon d’où le poëte pût se montrer à la foule, aussi fabriquait-on beaucoup de drames dans le petit cénacle.

Il va sans dire qu’ils étaient toujours uniformément refusés. Cependant nous avons de la peine à croire qu’ils fussent absolument mauvais, et nous