Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
ISOLINE

coup de soleil illumina Saint-Malo qui apparut, une dernière fois, au-dessus de sa grève de sable, lui faisant comme un socle d’or.

Ange Brune, adossé à un mât, ses belles boucles blondes soulevées par le vent, agita son bonnet en chantant d’une voix d’enfant :

Je suis un pauvre matelot,
Qui s’est engagé à bord du vaisseau !

Le navire fuyait, sur la mer couleur d’absinthe, comme s’il eût eu à sa poursuite toute une flotte ennemie. Il roulait à peine, soulevé par ses voiles, roses d’aurore, comme par des ailes ; mais toute sa coque frémissait sous l’effort de la machine.

Aux rivages, les falaises s’empourpraient, déployant leur longue ligne capricieuse, coupée de grèves. Les clochers se haussaient au-dessus des prairies qui faisaient une crête verte aux rochers. Tous les marins regardaient la terre que bientôt on ne verrait plus.

Alors les fugitifs se souvinrent de la pauvre Marie, toujours résignée, seule maintenant dans la cabane du bord de la Rance, rêvant de vivre assez pour voir revenir les beaux fiancés, et être heureuse