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LA FLEUR-SERPENT

« — Celui qui mourra, ce n’est ni toi ni moi.

« La lucidité de mon esprit était effrayante ; tout à l’heure si bouleversé, maintenant il me paraissait un cristal sans tache, l’eau la plus limpide cristallisée. Je pris dans ma poche un poignard qui ne me quittait jamais, et je le tirai de son étui. La lame miroita, et, les regards fixés sur cette clarté froide, je combinai tranquillement ma vengeance.

« Je savais que la barque qui avait amené mon ennemi l’attendait sur la grève pour le conduire vers minuit au paquebot qui partait de Naples cette nuit-là. Le comte allait à Gênes, sa ville natale, pour s’occuper des dernières formalités nécessaires à son mariage. C’est sur cette circonstance que je basai toute la marche du drame qui, pour moi, s’est joué deux fois, tant j’en avais prévu et médité d’avance tous les détails. Il s’est même déroulé pour ainsi dire de lui-même à mes yeux ; mon esprit, dans cet état d’acuité clairvoyante que je n’éprouvai que cette fois-là, était comme un miroir sur lequel passaient avec une grande rapidité toutes les scènes qui allaient s’accomplir. Tous les dangers à éviter, toutes les