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LA FLEUR-SERPENT

« Le premier éclair cingla l’horizon au moment où je mis le pied sur la première marche de l’escalier, et un grondement sourd roula sur la mer.

Je remontai lentement les degrés, vaguement effrayé dans la nuit plus noire après la lueur.

« Si mon ennemi n’était pas bien tué ! S’il n’était plus là ! S’il fallait recommencer le meurtre sur un blessé !

« Je ne retrouvai pas tout de suite l’endroit où j’avais laissé la victime. En vain, dans l’obscurité, je tâtais, je tâtais !… craignant de trouver le cadavre sous ma main, craignant plus encore de ne pas le rencontrer.

« Une sueur froide m’inondait.

« Brusquement je touchai sa face glacée, et un mouvement d’effroi involontaire me fit reculer avec un cri étouffé ; en même temps un nouvel éclair me montra son visage horrible, les yeux béants, la bouche ouverte…

« Si j’avais gardé, jusque-là, un sang-froid extra-ordinaire, je faillis succomber à la terreur superstitieuse qui m’envahit alors. L’orage éclatait avec une furie effrayante, la mer subitement grossie ajoutait son grondement au fracas du