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TROP TARD

contemplation de cette image charmante sans chercher d’abord à m’expliquer comment elle se trouvait là. C’était bien le regard clair et profond que mon regard cherchait depuis si longtemps, je reconnaissais ces boucles opulentes, ce sourire d’enfant, cet air à la fois imposant et enjoué. Elle était de face, le menton sur la main ; une pelisse de fourrure glissait de ses épaules nues. Je retournai le petit carton : la photographie avait été faite à Vienne.

Tout à coup je me mis à appeler ma mère d’une voix qui la fit accourir tout effarée. Elle demeura muette devant l’expression de bonheur qui rayonnait sur mon visage.

— « Qui est-ce ? dis-je en lui tendant le portrait. Ma mère réprima un léger frisson.

— « Grégorowna ! s’écria-t-elle. Où l’as-tu trouvé ? Je l’ai tant cherché, ce portrait.

— Qui est-ce, ma mère ?

— C’est une très grande dame, mon enfant.

— Tu la connais ?

— Oui. »

Je me jetai dans ses bras en pleurant de joie.

— « Je suis sauvé, je suis guéri, lui criai-je ; c’est elle, c’est la femme tant cherchée, tant adorée. »