Le télégramme fut expédié le jour même, et le lendemain nous reçûmes la réponse suivante :
« Quelle charmante surprise ! Je suis à Moscou, où je vous attends bien impatiemment.
Une joie folle s’empara de moi. Toutes mes souffrances s’en étaient allées, mes forces revinrent subitement : j’étais guéri. Ma mère suivait attentivement les phases de cette résurrection, elle conservait cependant quelque chose de soucieux et de contraint ; et comme je la questionnai :
— « Mais tu ne doutes de rien, enfant terrible, me disait-elle : es-tu donc bien sûr qu’elle t’aimera ? qu’elle est libre ? »
Un amour pareil au mien n’admettait pas les obstacles.
Je brusquai les préparatifs, et nous nous mîmes en route.
À mesure que nous gagnions du terrain, ma mère dissimulait mal une angoisse croissante. J’y prenais à peine garde, tant la plénitude de mon bonheur m’absorbait : je le savourais, silencieux, recueilli, les yeux demi-clos, bercé par les cahots du wagon.