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TROP TARD

quante ans passés : la cendre du temps ternit ses boucles blondes ; son regard, beau encore, n’a plus que des lueurs mourantes ; ses lèvres calmes ne parlent plus d’amour.

C’était une femme déjà lorsqu’elle se penchait comme une fée vers mon berceau et gravait pour toujours dans ma jeune âme l’image de la beauté, alors dans toute sa splendeur. Mais je tombai foudroyé du haut de mon rêve : celle que j’aimais n’était plus.

Elle fut pleine de mansuétude en apprenant ma folie, et, qui sait ? un regret pareil au mien effleura peut-être son cœur. Elle s’était toujours souvenue du joli bébé qui lui montrait une si vive tendresse, et avait souffert d’être privée de le voir. Je devinai, à certaines réticences, que mon père avait été épris d’elle et que devant cette passion naissante elle avait cessé toutes relations avec nous pour éviter un chagrin à ma mère, mais que celle-ci, en dépit d’elle-même, lui avait gardé rancune d’avoir involontairement troublé son bonheur.

La comtesse est aujourd’hui une seconde mère pour moi ; mais je souffre horriblement près d’elle. Son esprit, ses goûts, son caractère, me prouvent