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L’AUBERGE

la surface du fleuve ; l’autre, étendu les deux mains sur sa tête, regardait le ciel.

L’air était délicieusement frais, le soleil encore trouble se montrait ainsi qu’un rubis perdu dans des mousselines, et des nuées roses roulaient de l’horizon, comme des coussins de soie repoussés par le bras d’un dormeur qui s’éveille.

Sur les bords du fleuve, la ville semblait une ville de vapeurs, et la rumeur confuse qui s’en échappait se perdait dans le tapage matinal des oiseaux aquatiques, rassemblés par milliers dans les grands joncs et les roseaux.

Brusquement celui qui était étendu au fond de la barque se redressa et regarda son compagnon en riant. Ce dernier tourna la tête et se prit à rire aussi.

— « Eh bien ! Boïtoro ? dit-il.

— Eh bien, Mïodjin ? dit l’autre

— Pourquoi ris-tu ?

— Pourquoi mon rire, comme un saule qui se penche vers l’eau, a-t-il trouvé un reflet sur tes lèvres ? »

Mïodjin baissa la tête en rougissant un peu et mordilla le bout de son éventail.