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L’AUBERGE

Yamata poussa un cri sourd et chancela un instant.

— « Il m’aimait ! murmura-t-elle.

— Boïtoro t’aimait, lui aussi, et il était plus digne que moi de ton amour : j’ai voilé ma pensée pour ne pas attrister sa joie ; mais à présent, tu l’aimes, tu es sa femme ; mon cœur peut bien éclater et laisser couler tout son sang. Va-t’en ! laisse-moi pleurer, laisse-moi mourir !

— Hélas ! hélas ! qu’avons-nous fait, Mïodjin ? s’écria Yamata en éclatant en sanglots. Moi aussi, depuis un an je t’aimais ; mais ma jeune sœur était folle de toi, et j’ai caché mon amour pour ne pas gêner le sien. »

Les deux jeunes gens, atterrés par cet aveu, se regardèrent longtemps en silence, dans la demi-obscurité, chancelants, étourdis.

Tout à coup Mïodjin saisit les mains de Yamata.

— « Viens, lui dit-il, d’une voix basse et frémissante, viens, fuyons ! Je suis ton maître puisque tu m’aimes : ici, c’est l’enfer pour nous ; hors d’ici, le bonheur est partout, puisque nous serons ensemble ; viens, partons.

— Y songes-tu, ami ? dit la jeune fille à travers