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DES ROSEAUX EN FLEUR.

ses larmes. C’est trop tard, nous sommes perdus, nous sommes comme morts : je suis la femme de Boïtoro !

— Pourquoi as-tu fait cela ? pourquoi l’avoir accepté ?

— Ah ! pour mille raisons qui me paraissent mille pièges aujourd’hui. J’avais laissé voir à ma sœur que j’aimais un des étrangers rencontrés à l’auberge des Roseaux en fleurs ; que sais-je ? je me suis persuadé que c’était elle que tu recherchais, j’ai craint d’éveiller ses soupçons en refusant Boïtoro ; d’ailleurs on m’eût imposé un autre époux, celui-là du moins était ton ami.

— Et tu crois que je vais ainsi me laisser écraser le cœur, sans un cri, sans une révolte ?

— Un cri les avertirait du mal qu’ils nous font, et, pour être heureux, ils doivent l’ignorer. Nous sommes les victimes, ami : subissons la destinée, ne devenons pas bourreaux. Ma sœur t’adore ; lui, semble m’aimer profondément. Ne leur faisons pas souffrir ce que nous souffrons. Sacrifions nos plaintes vaines à leur bonheur, puisque notre malheur, à nous, est irréparable.

— Non, non ! s’écria Mïodjin, pourquoi se-