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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE.

— Hélas ! mon noble parent, vous vous moquez d’une pauvre fille qui n’a pas d’esprit pour se défendre. Vous n’avez jamais entendu parler de moi, et je ne crois pas avoir commis la faute de laisser voir mon visage ; donc votre amour ne peut exister, et les propos que vous me tenez sont offensants.

— J’ai vu vingt fois ton délicieux visage, dit Cœur-de-Rubis. Je suis criminel, c’est vrai, mais je suis bien puni de t’avoir vue en ne te voyant pas toujours.

— Vous connaissez mon visage ? s’écria la jeune fille, qui, dans sa surprise, découvrit son front et ses yeux.

— Vous ne vous doutiez pas, lorsque les soirs d’hiver vous travailliez près de votre lampe derrière votre fenêtre close, que quelqu’un guettait, sans prendre garde à la bise mordante. Tenez, c’est là, du côté du jardin. J’escalade le mur que mon oncle a fait hérisser de pointes de fer. Je me cramponne, et je regarde. Votre ombre se projette nettement sur le papier huilé de la fenêtre. Je vois vos traits délicats, vos longs cils, vos cheveux abondants, jusqu’à la petite mèche qui boucle sur votre nuque. Je suis les mouvements de votre corps sou-