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LE FRUIT DÉFENDU.

bruyante ; la foule s’y démenait, achetant et vendant.

Sur l’eau mille embarcations couraient légèrement, s’évitant l’une l’autre avec adresse et rapidité ; de grands bateaux chargés de légumes et de poissons, ou portant des bestiaux qui mugissaient d’inquiétude, attendaient que de longs radeaux qui flottaient lentement, appesantis par des cargaisons de bambous, leur laissassent le passage libre. La coque haute et bombée, comme la poitrine des cigognes, la voile ouverte et tendue, comme l’aile des hannetons, les jonques guerrières, à l’ancre, se tenaient immobiles, et leurs pavillons bariolés ondulaient au vent ; il y avait aussi des bâtiments marchands qui viennent du nord et qui sont peints de blanc, de noir et de rouge ; ils portent à l’avant une tête de poisson sculptée, aux énormes yeux stupéfaits, que surmontent, en guise de sourcils, deux longues cornes menaçantes, et leur voile, en natte, largement déployée, semblait un immense éventail.

Sang-Yong s’arrêta, considérant en silence cette agitation, et songeant au bel effet qu’il produirait sur la foule s’il apparaissait tout à coup dans sa magnifique robe ; mais quelques soldats de police,