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ISOLINE

homme à la moindre émotion bégayait horriblement. Tout se perdit dans un bredouillement incompréhensible dont Isoline rit méchamment.

On passa sous un vieux pont très bas, le mât du bateau frôlait la voûte, puis sous le viaduc énorme qui résonna comme une cloche.

Le château-fort avait disparu, la rivière devenait ruisseau entre des rives ravissantes. On oublia Tristan et Iseult pour des libellules, vertes ou bleues, frissonnant dans un rayon au-dessus des nénuphars qui étalaient leurs larges feuilles.

Les rives très resserrées sont formées là de rochers énormes qui se dressent avec mille cassures et que jusqu’au faîte une végétation exubérante escalade. Les feuilles, toutes neuves, font chanter dans toute leur fraîcheur les plus tendres nuances du vert ; c’est un fouillis exquis, encore léger, plein d’oiseaux, où les saules argentés font des houppes blanches ! la rivière a cent caprices, décrit des demi-cercles, des boucles, semble s’attarder. Elle est verte comme ses rives, le ciel ne trouve pas d’éclaircie pour lui jeter le moindre pan d’azur. Souvent de grands arbres se précipitent en travers de l’eau, laissant pendre des lianes ; ils rejoignent les buissons de